Contrôle fiscal et mise en cause de la responsabilité de l’expert-comptable

Décision du tribunal : Cour de cassation

Date : 25/01/2017

NOTRE ANALYSE

Un contrôle fiscal donne lieu à un rappel de TVA au titre d’une omission de régularisation de la taxe déduite sur des travaux, lors de la cession ultérieure desdits biens immobiliers. En raison de l’impossibilité de refacturation par le cédant de cette TVA, celui-ci met en cause la responsabilité de l’expert-comptable. La Cour rejette sa demande au motif de l’absence de conséquence directe du préjudice avec la faute de l'expert-comptable.

  • N° de pourvoi : 15-23.460
  • ECLI:FR:CCASS:2017:CO00131
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Rejet

Audience publique du mercredi 25 janvier 2017

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai, du 11 juin 2015

Président

Mme Mouillard (président)

Avocat(s)

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 11 juin 2015), que M. X…, qui exploitait une officine de pharmacie, a acquis trois biens immobiliers dans lesquels il a fait procéder à des travaux en 1990 et 2004 afin de créer des locaux professionnels et d’habitation, lesquels ont donné lieu à déduction de TVA ; que, par actes des 1er et 19 décembre 2008, M. X… a cédé son officine et l’ensemble des biens immobiliers ; que la société d’expertise-comptable Solidec, chargée d’une mission de présentation des comptes annuels de M. X… ainsi que de l’établissement des déclarations fiscales, n’a procédé à aucune régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) lors de la déclaration de cette taxe au titre de l’année 2008, estimant que les travaux réalisés en 2004 devaient être considérés comme des travaux d’agencement ; que l’administration fiscale, contestant la nature de ces travaux et la période durant laquelle ceux-ci devaient faire l’objet d’une régularisation de TVA, a notifié à M. X… une proposition de rectification au titre de cette taxe, puis un avis de mise en recouvrement ; qu’estimant que ce redressement résultait des manquements contractuels de la société Solidec à ses obligations, M. X… l’a assignée en réparation ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que l’expert-comptable, à qui incombe la charge de la preuve de l’exécution de son devoir de conseil, est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, M. X… faisait valoir que la société Solidec était depuis 2003 au moins chargée d’établir ses déclarations fiscales, et il était acquis qu’une lettre de mission avait été signée le 14 décembre 2005 ; qu’il incombait donc à la société Solidec de rapporter la preuve qu’elle avait conseillé M. X… sur les options s’offrant à lui quant à la qualification fiscale des travaux réalisés en 2004 (agencement ou construction) et des conséquences de cette qualification quant au régime de TVA applicable notamment en cas de cession de l’immeuble concerné ; qu’en écartant toute responsabilité de la société Solidec au prétexte que M. X… n’apportait pas la preuve qu’elle avait été consultée à l’occasion de la cession immobilière, réalisée en décembre 2008, dans le cadre de laquelle la TVA aurait pu être refacturée au cessionnaire si les travaux avaient été correctement qualifiés, quand il appartenait au contraire à la société Solidec d’établir qu’elle avait fourmi à son client toutes les informations, relatives notamment au régime fiscal applicable aux travaux, lui permettant, le moment venu, de faire un choix éclairé à l’occasion de la cession de ses biens, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2°/ que l’expert-comptable est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, comme le faisait valoir M. X…, preuves à l’appui, la société Solidec, son expert-comptable avec qui il était lié par une lettre de mission datée du 14 septembre 2005, était parfaitement informée de ses projets immobiliers et des actes conclus fin 2008, et aurait dû correctement le conseiller sur la qualification des travaux réalisés antérieurement ainsi que sur leur implication fiscale en cas de cession ; qu’en écartant la responsabilité de l’expert-comptable, après avoir pourtant constaté que la société Solidec avait reconnu s’être méprise sur la nature des travaux effectués par l’exposant, au prétexte que l’expert-comptable n’avait nullement été contacté à l’occasion de la cession, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à écarter sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil à l’égard du client, a violé l’article 1147 du code civil ;

3°/ qu’en écartant la responsabilité de la société Solidec au prétexte que l’impossibilité de procéder une déclaration rectificative et de tenter une refacturation auprès du cessionnaire résultait de l’absence de disposition en ce sens dans l’acte notarié, antérieur à l’erreur de la société Solidec, quand M. X… faisant valoir que correctement conseillé par son expert-comptable sur la nature des travaux antérieurement à la cession, il aurait pu refacturer la TVA au cessionnaire dans l’acte de cession, la cour d’appel a statué par un motif impropre à écarter tout lien de causalité entre les manquements de l’expert-comptable à son devoir de conseil, dûment caractérisés, et le préjudice subi par M. X…, en violation de l’article 1147 du code civil ;

4°/ qu’en affirmant qu’un impôt ne peut constituer un préjudice susceptible de réparation, quand M. X… faisait valoir que constitue un préjudice réparable qui trouve sa source dans le manquement de l’expert-comptable à son devoir de conseil, l’impossibilité pour le cédant d’une officine de pharmacie de pouvoir refacturer auprès du cessionnaire la TVA due à l’administration fiscale, permettant de réaliser une opération neutre pour lui, la cour d’appel, qui avait pourtant constaté que M. X… était redevable d’une somme de 26 659 euros au titre du redressement de TVA, a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir relevé qu’il résultait de la lettre de mission signée par M. X… que ce dernier avait confié à la société Solidec une mission de présentation des comptes annuels et d’établissement des déclarations fiscales afférentes à ces comptes, exclusive d’une obligation de conseil sur l’opération immobilière litigieuse, l’arrêt retient que si la société Solidec a commis une erreur sur la déclaration de TVA pour l’année 2008 en considérant que les travaux réalisés par M. X… en 2004 étaient des travaux d’agencement, soumis à une régularisation de cette taxe sur une période de cinq ans, M. X… ne démontre pas que, mieux informé, il n’aurait pas été exposé au paiement de la taxe dès lors qu’il s’agissait d’un impôt dû auquel il ne pouvait se soustraire et que les stipulations de l’acte de cession, établi postérieurement à la déclaration litigieuse, excluaient toute possibilité de recouvrement a posteriori par M. X… de la taxe auprès de son cessionnaire ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, rendant inopérants les griefs des deux premières branches, la cour d’appel a exactement déduit que le préjudice invoqué par M. X… n’était pas la conséquence directe de la faute de l’expert-comptable ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en ses troisième, sixième et septième branches, et le second moyen, réunis :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Solidec la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. X… de sa demande en paiement de la somme de 26 659 euros (redressement TVA), de sa demande relative au coût du prêt des frais annexes et de sa demande complémentaire fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et d’AVOIR condamné M. X… aux dépens et à payer une somme par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Selon la  » proposition de rectification suite à vérification de comptabilité « , du 11 mars 2011 (pièce 8), il est constant que, postérieurement à l’acquisition du n° 91, le 27 juin 2001, des travaux ont été réalisés sur l’ensemble des locaux des trois immeubles, entraînant une restructuration des lieux, le rez-de-chaussée étant affecté à usage professionnel et l’étage à l’habitation ; que les immeubles 93 et 95 ont été inscrits intégralement (commerce et habitation) à l’actif du bilan de clôture de l’activité, le 30 novembre 2008 ; que les travaux réalisés en 1990 (104 205 euros) ont été inscrits à cette époque au bilan pour 82 417 euros en compte  » construction  » et pour le surplus au compte  » agencements de construction  » ; qu’à la clôture de l’activité un virement de compte à compte a fait passer les 82 417 euros de  » travaux de construction  » en  » agencements  » ; que seule la partie commerciale de l’immeuble acquis en 2001 (le n° 91) a été inscrite à l’actif le 30 novembre 2008 ; que le coût total des travaux réalisés en 2004 (181 640 euros) a été inscrit à l’actif du bilan en 2004 ; que sur les causes du redressement, l’article 207 de l’annexe II du code général des impôts prévoit, d’une part, au I, que, dans le cas général, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 (selon lequel  » la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu’un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction « ) et 206 (relatif aux coefficients de déduction) est définitivement acquise à l’entreprise et d’autre part, au II, que pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans y compris l’année d’acquisition pour les biens meubles et pendant 20 ans pour les biens immobiliers ; qu’en l’espèce, l’administration fiscale a retenu que : les 181 640 euros de travaux réalisés en 2004 concernent la partie commerciale à l’exception de trois factures (chaudière commune, honoraires permis de construire et chape dans le hall d’entrée de l’habitation), lors de la cession réalisée en 2008, le notaire a mentionné les surfaces construites existantes, à savoir :- partie commerciale : sous-sol, 79 m2, officine : 247 m2, garage : 30 m2 soit un total de 356 m2,- partie habitation : rez de chaussée : hall : 42 m2 + garage 71 m2, 1er étage : 287 m2, 2ème étage : 203 m2, Grenier : 68 m2, soit un total de 671 m2, le montant HT des travaux relatifs à la partie habitation s’élève à : 3580 euros + (21 392 + 1524) x 671/ 1027 = 18 552 euros, et ceux de la partie commerciale : 191 640 euros-18 552 euros = 163 088 euros, en ce qui concerne les travaux terminés en 2004, le droit à déduction s’applique de 2004 à 2008 inclus, soit cinq ans ; une régularisation de la TVA aurait dû être portée sur la CA de décembre 2008, à hauteur de 15/ 20 de la TVA d’origine soit 163 088 x 19, 6 % x 15/ 20 = 23 974 euros ; que dans sa lettre du 18 mai 2011, le service des impôts a précisé que, par leur nature (gros œuvre, chape, carrelage, électricité, façade…) et leur importance (181 640 euros) il ne s’agissait pas de travaux de simple agencement et que, de plus, il n’avait pas été possible, dans le cadre du contrôle sur place ni au vu des pièces justificatives, d’affecter à chacun des immeubles existants avant leur réunion les réfections ; qu’ainsi l’intégralité des travaux constituait un tout indissociable ; que sur les fautes reprochées par M. X… à l’expert-comptable, l’appelant soutient que la société Solidec a fait une erreur de qualification lors de l’établissement de la déclaration TVA en considérant qu’il s’agissait de simples travaux d’agencement-alors qu’il s’agissait de travaux immobiliers au sens fiscal, nécessitant une régularisation- ; qu’elle a également manqué à son devoir de conseil en ne lui disant pas qu’un choix devait être fait sur cette qualification et ne l’a pas informé des conséquences fiscales de ce choix ; et enfin, que si l’erreur de qualification n’avait pas été commise, il aurait pu, à l’occasion de la cession de l’officine, refacturer cette TVA au cessionnaire-ce qui aurait alors entraîné une opération  » neutre  » pour lui ; que ce choix erroné est reconnu par la société Solidec, mais elle fait valoir à juste titre que l’absence d’erreur et la juste qualification des travaux aurait eu comme conséquence de procéder aux mêmes évaluations que celles opérées par l’administration fiscale à l’occasion de la procédure de redressement et qu’un impôt dû ne peut constituer un préjudice susceptible de réparation ; que par ailleurs, c’est également de manière pertinente que l’expert-comptable fait valoir qu’il n’a pas été contacté à l’occasion de la cession-M. X… n’apportant aucun élément de nature à établir que la Solidec a été au moins consultée à l’occasion de la cession-et que l’impossibilité pour M. X… de procéder à une déclaration rectificative et de tenter une  » refacturation  » auprès du cessionnaire résulte de l’absence de disposition en ce sens dans l’acte notarié, antérieur à sa propre erreur ; que la demande relative au paiement de la somme de 23 974 euros doit donc être rejetée, dès lors que ce rappel fiscal n’est pas la conséquence directe de la faute commise par ce professionnel, et qu’il s’agit d’une imposition à laquelle le contribuable n’aurait pu échapper ; qu’il en est de même pour la réclamation portant sur les intérêts de retard, à hauteur de 2685 euros, qui correspond à une indemnité visant à réparer le préjudice subi par le trésor public et ne fait que compenser l’avantage ayant consisté pour M. X… dans le bénéfice d’une trésorerie dont il n’aurait pas disposé s’il avait en temps normal réglé l’impôt dû ; qu’il sera donc sur ces questions ajouté au jugement, dont le dispositif-qui  » accueille partiellement M. X… en ses demandes « – ne déboute pas expressément M. X… de ses prétentions relatives à la régularisation de la TVA (pourtant clairement rejetées dans les motifs) ;

ET QUE la cour retient que la lettre de mission versée aux débats date du 14 septembre 2005 et qu’il n’est pas prétendu que les parties aient été en relations contractuelles antérieurement ; que la Solidec ne saurait donc engager sa responsabilité pour d’éventuelles fautes commises antérieurement par un autre expert-comptable ; que les éventuelles erreurs ou les choix de gestion réalisés à l’occasion des acquisitions successives ou des divers travaux immobiliers, tous antérieurs à 2005, lui sont étrangers ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU’il incombait effectivement à l’expert-comptable de procéder si nécessaire à la régularisation de la TVA dès l’enregistrement de l’acte de cession ; que l’absence de régularisation a été justifiée par le fait que les travaux avaient le caractère d’agencements commerciaux ; que l’administration fiscale a confirmé dans son courrier du 18 mai 2011 que les agencements réalisés en 2004 pour un montant hors de taxes de 181 640 euros avaient bien un caractère immobilier par leur nature même et eu égard à leur importance ; que de surcroît, apparaissait au bilan du 31 mai 2008 des agencements divers pour un montant brut de 191 344 euros qui ont été pris en compte dans le cadre de la cession du fonds de commerce au titre des agencements commerciaux ; qu’il appartenait au cédant, assujetti à la TVA, de demander que figure dans l’acte de cession la prise en charge par l’acquéreur de l’éventuelle TVA à régulariser, puisqu’il s’agissait de la cession d’un actif professionnel, comme cela a d’ailleurs été fait dans l’acte de cession de l’officine ; que si tel n’était pas son souhait, la TVA devait lui incomber personnellement ; qu’il n’est pas démontré que l’expert-comptable ait participé aux travaux précédant la signature de l’acte de cession de l’immeuble professionnel, le 1er décembre 2008 et que les parties ne présentent aucun courrier ou courriel entre le notaire et l’expert-comptable ; que l’expert-comptable n’est tenu que d’une obligation de moyens, qu’il est un tiers à l’entreprise, et ne peut accomplir ses travaux que pour autant qu’il reçoive de ses clients tous les documents et toutes les informations nécessaires au bon accomplissement de sa mission ; que même s’il peut être reproché à l’expert-comptable une erreur d’appréciation dans la qualification des travaux, cette erreur est postérieure à la signature de l’acte et ne peut donc justifier l’impossibilité de refacturer la TVA à l’acquéreur ; qu’aucun préjudice ne peut découler du paiement auquel un contribuable est légalement tenu ; que les intérêts de retard ne font que compenser l’avantage de trésorerie dont a bénéficié le contribuable au détriment du trésor public en différent les impôts dont il était normalement redevable ; qu’en conséquence, qu’il ne peut être mis à la charge de l’expert-comptable le redressement de TVA et les intérêts de retard qui s’y rattachent ;

1/ ALORS QUE l’expert-comptable, à qui incombe la charge de la preuve de l’exécution de son devoir de conseil, est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, l’exposant faisait valoir que la société Solidec était depuis 2003 au moins chargée d’établir ses déclarations fiscales (pièces d’appel n° 24), et il était acquis qu’une lettre de mission avait été signée le 14 décembre 2005 ; qu’il incombait donc à la société Solidec de rapporter la preuve qu’elle avait conseillé M. X… sur les options s’offrant à lui quant à la qualification fiscale des travaux réalisés en 2004 (agencement ou construction) et des conséquences de cette qualification quant au régime de TVA applicable notamment en cas de cession de l’immeuble concerné ; qu’en écartant toute responsabilité de la société Solidec au prétexte que M. X… n’apportait pas la preuve qu’elle avait été consultée à l’occasion de la cession immobilière, réalisée en décembre 2008, dans le cadre de laquelle la TVA aurait pu être refacturée au cessionnaire si les travaux avaient été correctement qualifiés, quand il appartenait au contraire à la société Solidec d’établir qu’elle avait fourmi à son client toutes les informations, relatives notamment au régime fiscal applicable aux travaux, lui permettant, le moment venu, de faire un choix éclairé à l’occasion de la cession de ses biens, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2/ ALORS en tout état de cause QUE l’expert-comptable est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, comme le faisait valoir M. X… (écritures d’appel, p. 5 § 6 et p. 6 pénult. §), preuves à l’appui (prod. 24 à 26 à hauteur d’appel), la société Solidec, son expert-comptable avec qui il était lié par une lettre de mission datée du 14 septembre 2005, était parfaitement informée de ses projets immobiliers et des actes conclus fin 2008, et aurait dû correctement le conseiller sur la qualification des travaux réalisés antérieurement ainsi que sur leur implication fiscale en cas de cession ; qu’en écartant la responsabilité de l’expert-comptable, après avoir pourtant constaté que la société Solidec avait reconnu s’être méprise sur la nature des travaux effectués par l’exposant, au prétexte que l’expert-comptable n’avait nullement été contacté à l’occasion de la cession, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à écarter sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil à l’égard du client, a violé l’article 1147 du code civil ;

3/ ALORS QU’en outre, en s’abstenant de vérifier si ce n’est pas animée par la croyance erronée que les travaux litigieux s’analysaient en de simples travaux d’agencement soumis à une régularisation de cinq ans-ce qui excluait, de l’aveu même de la société Solidec (écritures d’appel, p. 9 § 7), toute régularisation-et non en des travaux immobiliers au sens fiscal soumis à une régularisation de vingt ans, que la société Solidec n’avait pas jugé utile d’informer M. X…, avant la cession de l’officine, de la nature des travaux litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

4/ ALORS QU’en écartant la responsabilité de la société Solidec au prétexte que l’impossibilité de procéder une déclaration rectificative et de tenter une refacturation auprès du cessionnaire résultait de l’absence de disposition en ce sens dans l’acte notarié, antérieur à l’erreur de la société Solidec, quand l’exposant faisant valoir que correctement conseillé par son expert-comptable sur la nature des travaux antérieurement à la cession, il aurait pu refacturer la TVA au cessionnaire dans l’acte de cession, la cour d’appel a statué par un motif impropre à écarter tout lien de causalité entre les manquements de l’expert-comptable à son devoir de conseil, dûment caractérisés, et le préjudice subi par M. X…, en violation de l’article 1147 du code civil ;

5/ ALORS QU’en affirmant qu’un impôt ne peut constituer un préjudice susceptible de réparation, quand l’exposant faisait valoir que constitue un préjudice réparable qui trouve sa source dans le manquement de l’expert-comptable à son devoir de conseil, l’impossibilité pour le cédant d’une officine de pharmacie de pouvoir refacturer auprès du cessionnaire la TVA due à l’administration fiscale, permettant de réaliser une opération neutre pour lui, la cour d’appel, qui avait pourtant constaté que M. X… était redevable d’une somme de 26 659 euros au titre du redressement de TVA, a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

6/ ALORS en outre QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les termes du litige ; qu’en l’espèce, l’exposant faisait valoir que la société Solidec était son expert-comptable de longue date, et apportait la preuve (prod. 24 à hauteur d’appel) que la société Solidec était déjà contractuellement intervenue pour son compte aux fins notamment de procéder à ses déclarations fiscales avant l’année 2005 ; qu’en jugeant cependant, pour écarter toute responsabilité de l’expert-comptable relative aux divers travaux immobiliers tous antérieurs à la lettre de mission du 14 septembre 2005, qu’il n’était pas prétendu que les parties aient été en relation contractuelle avant 2005, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

7/ ALORS subsidiairement QU’en refusant de retenir la responsabilité de l’expert-comptable au titre des pénalités de retard consécutives à l’erreur, admise par lui, qu’il avait commise dans la déclaration de TVA, au prétexte que les intérêts de retard ne font que compenser l’avantage de trésorerie dont a bénéficié le contribuable au détriment du trésor public en différent les impôts dont il était normalement redevable, la cour d’appel, qui a statué par un motif qui n’était pas de nature à exclure l’obligation pour l’expert-comptable d’indemniser les conséquences dommageables de sa faute contractuelle, a violé l’article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. X… de sa demande en paiement des sommes au titre de l’impôt sur le revenu et d’AVOIR condamné M. X… aux dépens et à payer une somme par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE les personnes physiques, exploitants individuels, relèvent de plein droit de l’impôt sur le revenu (bénéfice industriel et commercial, articles 8 et 34 du code général des impôts) ; que le bénéfice taxable est calculé d’après les résultats de l’exercice comptable ; qu’en matière de plus-value, le prix de cession et le prix d’acquisition sont ceux mentionnés dans les actes, le prix de cession à retenir étant le prix réel indiqué et le prix d’acquisition étant le prix effectivement acquitté par le cédant (articles 150VA et VB du code général des impôts) ; que pour les exploitants individuels relevant du régime réel, normal ou simplifié, la différence entre l’actif commercial et le patrimoine privé se fait à partir des éléments portés à l’actif de l’entreprise ; que les conséquences de cette distinction concernent notamment la cession des biens : s’il s’agit d’éléments de l’actif, il est fait application du régime des plus-values professionnelles, tandis que la cession des biens privés donne ouverture, s’il y a lieu, au régime des plus-values correspondantes ; qu’en l’espèce, pour procéder au redressement en cause, l’administration fiscale a retenu que :- M. X… avait acquis l’ensemble immobilier en trois parties, en 1987, 1990 et 2001, avant de réaliser des travaux en 1990 et 2004,- par un règlement de copropriété du 1er décembre 2008 l’ensemble a été divisé en deux lots (le sous-sol et le rez-de-chaussée à usage commercial d’une part, la partie habitation de l’autre), vendus respectivement le 1er et le 19 décembre 2008,- sur la déclaration 2048 et l’imprimé 2059 A de la liasse fiscale, la moins-value a été calculée de telle sorte qu’elle s’élevait à 48 648 euros,- les parties achetées en 1987 et 1990 ont été portées au bilan pour leur totalité (habitation et commerce), la partie achetée en 2001 n’a été portée au bilan que pour la partie commerciale selon un prorata de surface,- concernant le prix d’achat du 91, la répartition entre partie commerciale et partie habitation a été faite au prorata de surface, mais, pour les 408 m2, il n’a pas été possible d’obtenir le détail ou la méthode de calcul : cette surface ne peut donc être retenue,- diverses surfaces ont fait l’objet de déclarations souscrites par les propriétaires précédents auprès du centre des impôts fonciers, mentionnant un total de 116 m2 pour la partie commerciale et 183 m2 au total pour la partie habitation,- suite à ses acquisitions, M. X… n’en a pas établi de nouvelles, ce qui donne à penser que la consistance des habitations n’a pas été modifiée et que les surfaces autrefois déclarées correspondent bien à la situation existante à la date de l’acte,- la répartition du prix d’achat entre les deux parties donne donc pour la partie commerciale 51750 euros [133 392 x 116/ (116 + 183)],- le critère essentiel de distinction entre actif professionnel et patrimoine privé est celui de l’inscription au bilan : l’exploitant dispose d’une liberté de choix pour répartir ses biens entre son actif commercial et son patrimoine privé ; il prend à cet égard une décision de gestion qui lui est opposable ;- au cas présent, M. X… a choisi de porter à son bilan la totalité de l’achat des parties situées au 93 et 95, c’est à dire parties habitation et commerce,- contrairement à ce qui a été fait, il y a lieu de tenir compte lors de la cession de la partie habitation correspondante,- le calcul de la plus-value donne donc une somme de 72 177 euros (valeur d’achat = montant global des parties achetées en 1987, 1990 et 2001, ajouté au coût des travaux, déduction faite des amortissements, valeur déduite de l’addition des deux prix de vente, 180 000 euros pour la part commerciale et 139 225 euros pour la part habitable au bilan),- le revenu imposable passant ainsi de 219 060 à 339 885 euros au titre de 2008 ; que sur les fautes reprochées par M. X… à l’expert-comptable, il lui fait grief d’avoir commis deux erreurs, d’abord par l’inscription au bilan de la partie habitation de l’immeuble cédé, ensuite, par l’absence de prise en compte de cette première erreur pour calculer la plus-value, soutient que sans cette faute l’administration ne lui aurait pas réclamé un complément d’impôt pour 48 330 euros, ni des intérêts de retard ni des majorations de retard ; qu’il lui reproche aussi un manquement à son devoir de conseil, comme ne l’ayant pas informé du choix possible ni de la possibilité de solliciter du notaire une déclaration 2048 rectificative ; que la société Solidec fait essentiellement valoir qu’elle s’est basée sur le travail du notaire et les annexes à l’acte de cession-lesquelles effectuaient la ventilation partie professionnelle-partie habitation-, pour établir ses écritures et bilan en conformité avec les déclarations du notaire, qu’elle n’avait pas d’autre document à sa disposition pour remplir sa mission ; que la cour retient que la lettre de mission versée aux débats date du 14 septembre 2005 et qu’il n’est pas prétendu que les parties aient été en relations contractuelles antérieurement ; que la Solidec ne saurait donc engager sa responsabilité pour d’éventuelles fautes commises antérieurement par un autre expert-comptable ; que les éventuelles erreurs ou les choix de gestion réalisés à l’occasion des acquisitions successives ou des divers travaux immobiliers, tous antérieurs à 2005, lui sont étrangers ; qu’au fil des années, entre le premier achat (1987) et la dernière opération de travaux, la configuration des lieux a plusieurs fois évolué, ainsi que la superficie totale ou encore celle affectée à l’usage commercial comme celle réservée à la partie habitation ; que les actes de cession-et les documents annexes-ont été établis en 2008 par le notaire sans qu’il soit prouvé-ni même prétendu-que la Solidec ait été consultée à cette occasion ; que d’ailleurs cette prestation ne figure pas dans celles prévues par la lettre de mission ; qu’il résulte des pièces fournies par les parties que, lors de l’établissement du bilan en cause, la Solidec s’est basée sur les documents fournis par son client ; qu’il s’agissait des actes de cession des lots  » professionnel  » et  » habitation  » ainsi que de la déclaration de plus-value 2048 et des  » annexes  » [intitulées  » plus-value vente X… à SCI. C. L. A. S (lot volume 1)  » et  » plus-value vente X… à Alliotte et Luszcz (lot volume 2) « , afférentes au calcul du prix de cession et du prix d’acquisition des deux lots] ; que les différentes sommes figurant sur ces évaluations et calculs se retrouvent dans le corps de cette déclaration 2048 ; que la superficie de 408 m2, remise en cause par l’administration fiscale, y est mentionnée par le notaire comme étant celle du n° 91  » à l’origine  » ; qu’il ressort des pièces comptables fournies que la Solidec a pris en compte ces justificatifs, émanant du notaire et fournis par son client, pour procéder à des écritures et ajustements comptables cohérents tant avec les bilans antérieurs qu’avec les déclarations notariées ; que ne relevait pas de sa mission la vérification sur place des surfaces utilisées ni celle des surfaces antérieures lors des acquisitions et transformations successives, dès lors qu’il avait en sa possession les documents émanant du notaire ayant réalisé les cessions en 2008 ; que pour  » attirer l’attention de M. X… sur l’éventuelle erreur du notaire  » encore eût-il fallu que la Solidec ait été en mesure de déterminer-au moment de l’établissement de ce bilan-l’existence de cette éventuelle erreur, ce qui ne pouvait être le cas faute pour son client de lui produire tout justificatif en sens contraire de nature à alerter l’expert-comptable sur les évaluations faites par le notaire ; que, pour procéder à son redressement, l’administration fiscale a aussi tenu compte du fait que suite à son acquisition M. X… n’avait pas  » jugé utile d’établir de nouvelles déclarations auprès du centre des impôts fonciers, ce qui donnait à penser que la consistance des habitations n’avait pas été modifiée  » ; qu’ainsi, les fautes reprochées par l’appelant à la société Solidec n’étant pas établies, il sera débouté de ses demandes en paiement au titre de  » du redressement de l’impôt sur le revenu  » et le jugement sera réformé de ce chef.

1/ ALORS QUE l’expert-comptable, à qui incombe la charge de la preuve de l’exécution de son devoir de conseil, est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt attaqué que l’expert-comptable Solidec avait été chargé d’établir le bilan pour 2008, ce qui impliquait notamment d’y mentionner la cession des biens immobiliers professionnels, soumis à l’impôt sur la plus-value à l’exclusion des biens à usage d’habitation ; qu’il incombait dès lors à l’expert-comptable de rapporter la preuve qu’il avait informé son client de l’importance, pour le calcul de la plus-value, du départage entre les locaux à usage professionnel et d’habitation, et des conséquences possibles de toute erreur ou approximation ; qu’en écartant cependant toute responsabilité de l’expert-comptable du fait d’un manquement à son obligation de conseil aux prétextes qu’il avait établi le bilan sur la base des documents fournis par son client et qu’il n’aurait pas eu de raison de douter de l’exactitude des évaluations du notaire si bien que sa faute n’aurait pas été établie, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1147 du code civil ;

2/ ALORS en outre QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les termes du litige ; qu’en l’espèce, l’exposant faisait valoir que la société Solidec était son expert-comptable de longue date, et apportait la preuve (prod. 24 à hauteur d’appel) que la société Solidec était déjà contractuellement intervenue pour son compte aux fins notamment de procéder à ses déclarations fiscales avant l’année 2005 ; qu’en jugeant cependant, pour écarter toute responsabilité de l’expert-comptable relative aux acquisitions ou divers travaux immobiliers tous antérieurs à la lettre de mission du 14 septembre 2005, qu’il n’était pas prétendu que les parties aient été en relation contractuelle avant 2005, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent statuer par affirmation péremptoire et doivent analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que M. X… n’avait pas produit à son expert-comptable de justificatif de nature à l’alerter sur les évaluations faites par le notaire ; qu’elle a cependant relevé par ailleurs qu’il résulte des pièces fournies par les parties que lors de l’établissement du bilan en cause, la Solidec s’est basée notamment sur les actes de cession des lots  » professionnel  » et  » habitation  » ainsi que de la déclaration de plus-value 2048, or il ressortait de l’acte de cession du lot « habitation » qu’il s’agissait d’« un immeuble à usage de commerce et d’habitation situé à Denain (59220), …», ce qui était de nature à faire douter de l’opportunité de mentionner comme bien professionnel l’intégralité des immeubles situés …; qu’il en résulte qu’en statuant comme elle l’a fait sans analyser notamment de l’acte de cession du lot habitation susvisé, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4/ ALORS QUE manque à son devoir général de conseil, qui comprend l’obligation de se renseigner, l’expert-comptable qui inscrit au bilan de son client une opération immobilière sans l’interroger au préalable sur l’usage fait des immeubles vendus, quand il ne peut ignorer qu’une telle inscription au bilan a des conséquences fiscales sur la plus-value imposable et qu’il importe d’en exclure le patrimoine privé ; qu’en écartant toute faute de l’expert-comptable, sans rechercher s’il s’était seulement renseigné de l’usage fait par M. X…, son client, des immeubles vendus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

5/ ALORS QUE la faculté pour la victime d’exercer un recours contre un tiers fautif ne fait pas obstacle à la caractérisation d’une faute commise par un autre que ce tiers et à l’engagement de sa responsabilité ; qu’en l’espèce, pour écarter toute faute de l’expert-comptable, la cour d’appel a cru pouvoir relever la société Solidec avait pris en compte les justificatifs, émanant du notaire et fournis par son client, pour procéder à des écritures et ajustements comptables cohérents tant avec les bilans antérieurs qu’avec les déclarations notariées ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu l’article 1147 du code civil ;

6/ ALORS QUE la faute de la victime n’exonère entièrement le responsable que pour autant qu’elle revêt les caractères force majeure ; qu’en affirmant que l’administration fiscale avait aussi tenu compte du fait qu’à la suite de son acquisition M. X… n’avait pas jugé utile d’établir de nouvelles déclarations auprès du centre des impôts fonciers, ce qui donnait à penser que la consistance des habitations n’avait pas été modifiée, sans expliquer en quoi un tel évènement constituait une faute de la victime de nature à exonérer totalement la société Solidec, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regarde de l’article 1147 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00131

 

  • N° de pourvoi : 15-23.460
  • ECLI:FR:CCASS:2017:CO00131
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Rejet

Audience publique du mercredi 25 janvier 2017

Décision attaquée : Cour d’appel de Douai, du 11 juin 2015

Président

Mme Mouillard (président)

Avocat(s)

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Gatineau et Fattaccini

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 11 juin 2015), que M. X…, qui exploitait une officine de pharmacie, a acquis trois biens immobiliers dans lesquels il a fait procéder à des travaux en 1990 et 2004 afin de créer des locaux professionnels et d’habitation, lesquels ont donné lieu à déduction de TVA ; que, par actes des 1er et 19 décembre 2008, M. X… a cédé son officine et l’ensemble des biens immobiliers ; que la société d’expertise-comptable Solidec, chargée d’une mission de présentation des comptes annuels de M. X… ainsi que de l’établissement des déclarations fiscales, n’a procédé à aucune régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) lors de la déclaration de cette taxe au titre de l’année 2008, estimant que les travaux réalisés en 2004 devaient être considérés comme des travaux d’agencement ; que l’administration fiscale, contestant la nature de ces travaux et la période durant laquelle ceux-ci devaient faire l’objet d’une régularisation de TVA, a notifié à M. X… une proposition de rectification au titre de cette taxe, puis un avis de mise en recouvrement ; qu’estimant que ce redressement résultait des manquements contractuels de la société Solidec à ses obligations, M. X… l’a assignée en réparation ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que l’expert-comptable, à qui incombe la charge de la preuve de l’exécution de son devoir de conseil, est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, M. X… faisait valoir que la société Solidec était depuis 2003 au moins chargée d’établir ses déclarations fiscales, et il était acquis qu’une lettre de mission avait été signée le 14 décembre 2005 ; qu’il incombait donc à la société Solidec de rapporter la preuve qu’elle avait conseillé M. X… sur les options s’offrant à lui quant à la qualification fiscale des travaux réalisés en 2004 (agencement ou construction) et des conséquences de cette qualification quant au régime de TVA applicable notamment en cas de cession de l’immeuble concerné ; qu’en écartant toute responsabilité de la société Solidec au prétexte que M. X… n’apportait pas la preuve qu’elle avait été consultée à l’occasion de la cession immobilière, réalisée en décembre 2008, dans le cadre de laquelle la TVA aurait pu être refacturée au cessionnaire si les travaux avaient été correctement qualifiés, quand il appartenait au contraire à la société Solidec d’établir qu’elle avait fourmi à son client toutes les informations, relatives notamment au régime fiscal applicable aux travaux, lui permettant, le moment venu, de faire un choix éclairé à l’occasion de la cession de ses biens, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2°/ que l’expert-comptable est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, comme le faisait valoir M. X…, preuves à l’appui, la société Solidec, son expert-comptable avec qui il était lié par une lettre de mission datée du 14 septembre 2005, était parfaitement informée de ses projets immobiliers et des actes conclus fin 2008, et aurait dû correctement le conseiller sur la qualification des travaux réalisés antérieurement ainsi que sur leur implication fiscale en cas de cession ; qu’en écartant la responsabilité de l’expert-comptable, après avoir pourtant constaté que la société Solidec avait reconnu s’être méprise sur la nature des travaux effectués par l’exposant, au prétexte que l’expert-comptable n’avait nullement été contacté à l’occasion de la cession, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à écarter sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil à l’égard du client, a violé l’article 1147 du code civil ;

3°/ qu’en écartant la responsabilité de la société Solidec au prétexte que l’impossibilité de procéder une déclaration rectificative et de tenter une refacturation auprès du cessionnaire résultait de l’absence de disposition en ce sens dans l’acte notarié, antérieur à l’erreur de la société Solidec, quand M. X… faisant valoir que correctement conseillé par son expert-comptable sur la nature des travaux antérieurement à la cession, il aurait pu refacturer la TVA au cessionnaire dans l’acte de cession, la cour d’appel a statué par un motif impropre à écarter tout lien de causalité entre les manquements de l’expert-comptable à son devoir de conseil, dûment caractérisés, et le préjudice subi par M. X…, en violation de l’article 1147 du code civil ;

4°/ qu’en affirmant qu’un impôt ne peut constituer un préjudice susceptible de réparation, quand M. X… faisait valoir que constitue un préjudice réparable qui trouve sa source dans le manquement de l’expert-comptable à son devoir de conseil, l’impossibilité pour le cédant d’une officine de pharmacie de pouvoir refacturer auprès du cessionnaire la TVA due à l’administration fiscale, permettant de réaliser une opération neutre pour lui, la cour d’appel, qui avait pourtant constaté que M. X… était redevable d’une somme de 26 659 euros au titre du redressement de TVA, a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir relevé qu’il résultait de la lettre de mission signée par M. X… que ce dernier avait confié à la société Solidec une mission de présentation des comptes annuels et d’établissement des déclarations fiscales afférentes à ces comptes, exclusive d’une obligation de conseil sur l’opération immobilière litigieuse, l’arrêt retient que si la société Solidec a commis une erreur sur la déclaration de TVA pour l’année 2008 en considérant que les travaux réalisés par M. X… en 2004 étaient des travaux d’agencement, soumis à une régularisation de cette taxe sur une période de cinq ans, M. X… ne démontre pas que, mieux informé, il n’aurait pas été exposé au paiement de la taxe dès lors qu’il s’agissait d’un impôt dû auquel il ne pouvait se soustraire et que les stipulations de l’acte de cession, établi postérieurement à la déclaration litigieuse, excluaient toute possibilité de recouvrement a posteriori par M. X… de la taxe auprès de son cessionnaire ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, rendant inopérants les griefs des deux premières branches, la cour d’appel a exactement déduit que le préjudice invoqué par M. X… n’était pas la conséquence directe de la faute de l’expert-comptable ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en ses troisième, sixième et septième branches, et le second moyen, réunis :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Solidec la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. X… de sa demande en paiement de la somme de 26 659 euros (redressement TVA), de sa demande relative au coût du prêt des frais annexes et de sa demande complémentaire fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et d’AVOIR condamné M. X… aux dépens et à payer une somme par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Selon la  » proposition de rectification suite à vérification de comptabilité « , du 11 mars 2011 (pièce 8), il est constant que, postérieurement à l’acquisition du n° 91, le 27 juin 2001, des travaux ont été réalisés sur l’ensemble des locaux des trois immeubles, entraînant une restructuration des lieux, le rez-de-chaussée étant affecté à usage professionnel et l’étage à l’habitation ; que les immeubles 93 et 95 ont été inscrits intégralement (commerce et habitation) à l’actif du bilan de clôture de l’activité, le 30 novembre 2008 ; que les travaux réalisés en 1990 (104 205 euros) ont été inscrits à cette époque au bilan pour 82 417 euros en compte  » construction  » et pour le surplus au compte  » agencements de construction  » ; qu’à la clôture de l’activité un virement de compte à compte a fait passer les 82 417 euros de  » travaux de construction  » en  » agencements  » ; que seule la partie commerciale de l’immeuble acquis en 2001 (le n° 91) a été inscrite à l’actif le 30 novembre 2008 ; que le coût total des travaux réalisés en 2004 (181 640 euros) a été inscrit à l’actif du bilan en 2004 ; que sur les causes du redressement, l’article 207 de l’annexe II du code général des impôts prévoit, d’une part, au I, que, dans le cas général, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 (selon lequel  » la taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu’un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction « ) et 206 (relatif aux coefficients de déduction) est définitivement acquise à l’entreprise et d’autre part, au II, que pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans y compris l’année d’acquisition pour les biens meubles et pendant 20 ans pour les biens immobiliers ; qu’en l’espèce, l’administration fiscale a retenu que : les 181 640 euros de travaux réalisés en 2004 concernent la partie commerciale à l’exception de trois factures (chaudière commune, honoraires permis de construire et chape dans le hall d’entrée de l’habitation), lors de la cession réalisée en 2008, le notaire a mentionné les surfaces construites existantes, à savoir :- partie commerciale : sous-sol, 79 m2, officine : 247 m2, garage : 30 m2 soit un total de 356 m2,- partie habitation : rez de chaussée : hall : 42 m2 + garage 71 m2, 1er étage : 287 m2, 2ème étage : 203 m2, Grenier : 68 m2, soit un total de 671 m2, le montant HT des travaux relatifs à la partie habitation s’élève à : 3580 euros + (21 392 + 1524) x 671/ 1027 = 18 552 euros, et ceux de la partie commerciale : 191 640 euros-18 552 euros = 163 088 euros, en ce qui concerne les travaux terminés en 2004, le droit à déduction s’applique de 2004 à 2008 inclus, soit cinq ans ; une régularisation de la TVA aurait dû être portée sur la CA de décembre 2008, à hauteur de 15/ 20 de la TVA d’origine soit 163 088 x 19, 6 % x 15/ 20 = 23 974 euros ; que dans sa lettre du 18 mai 2011, le service des impôts a précisé que, par leur nature (gros œuvre, chape, carrelage, électricité, façade…) et leur importance (181 640 euros) il ne s’agissait pas de travaux de simple agencement et que, de plus, il n’avait pas été possible, dans le cadre du contrôle sur place ni au vu des pièces justificatives, d’affecter à chacun des immeubles existants avant leur réunion les réfections ; qu’ainsi l’intégralité des travaux constituait un tout indissociable ; que sur les fautes reprochées par M. X… à l’expert-comptable, l’appelant soutient que la société Solidec a fait une erreur de qualification lors de l’établissement de la déclaration TVA en considérant qu’il s’agissait de simples travaux d’agencement-alors qu’il s’agissait de travaux immobiliers au sens fiscal, nécessitant une régularisation- ; qu’elle a également manqué à son devoir de conseil en ne lui disant pas qu’un choix devait être fait sur cette qualification et ne l’a pas informé des conséquences fiscales de ce choix ; et enfin, que si l’erreur de qualification n’avait pas été commise, il aurait pu, à l’occasion de la cession de l’officine, refacturer cette TVA au cessionnaire-ce qui aurait alors entraîné une opération  » neutre  » pour lui ; que ce choix erroné est reconnu par la société Solidec, mais elle fait valoir à juste titre que l’absence d’erreur et la juste qualification des travaux aurait eu comme conséquence de procéder aux mêmes évaluations que celles opérées par l’administration fiscale à l’occasion de la procédure de redressement et qu’un impôt dû ne peut constituer un préjudice susceptible de réparation ; que par ailleurs, c’est également de manière pertinente que l’expert-comptable fait valoir qu’il n’a pas été contacté à l’occasion de la cession-M. X… n’apportant aucun élément de nature à établir que la Solidec a été au moins consultée à l’occasion de la cession-et que l’impossibilité pour M. X… de procéder à une déclaration rectificative et de tenter une  » refacturation  » auprès du cessionnaire résulte de l’absence de disposition en ce sens dans l’acte notarié, antérieur à sa propre erreur ; que la demande relative au paiement de la somme de 23 974 euros doit donc être rejetée, dès lors que ce rappel fiscal n’est pas la conséquence directe de la faute commise par ce professionnel, et qu’il s’agit d’une imposition à laquelle le contribuable n’aurait pu échapper ; qu’il en est de même pour la réclamation portant sur les intérêts de retard, à hauteur de 2685 euros, qui correspond à une indemnité visant à réparer le préjudice subi par le trésor public et ne fait que compenser l’avantage ayant consisté pour M. X… dans le bénéfice d’une trésorerie dont il n’aurait pas disposé s’il avait en temps normal réglé l’impôt dû ; qu’il sera donc sur ces questions ajouté au jugement, dont le dispositif-qui  » accueille partiellement M. X… en ses demandes « – ne déboute pas expressément M. X… de ses prétentions relatives à la régularisation de la TVA (pourtant clairement rejetées dans les motifs) ;

ET QUE la cour retient que la lettre de mission versée aux débats date du 14 septembre 2005 et qu’il n’est pas prétendu que les parties aient été en relations contractuelles antérieurement ; que la Solidec ne saurait donc engager sa responsabilité pour d’éventuelles fautes commises antérieurement par un autre expert-comptable ; que les éventuelles erreurs ou les choix de gestion réalisés à l’occasion des acquisitions successives ou des divers travaux immobiliers, tous antérieurs à 2005, lui sont étrangers ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU’il incombait effectivement à l’expert-comptable de procéder si nécessaire à la régularisation de la TVA dès l’enregistrement de l’acte de cession ; que l’absence de régularisation a été justifiée par le fait que les travaux avaient le caractère d’agencements commerciaux ; que l’administration fiscale a confirmé dans son courrier du 18 mai 2011 que les agencements réalisés en 2004 pour un montant hors de taxes de 181 640 euros avaient bien un caractère immobilier par leur nature même et eu égard à leur importance ; que de surcroît, apparaissait au bilan du 31 mai 2008 des agencements divers pour un montant brut de 191 344 euros qui ont été pris en compte dans le cadre de la cession du fonds de commerce au titre des agencements commerciaux ; qu’il appartenait au cédant, assujetti à la TVA, de demander que figure dans l’acte de cession la prise en charge par l’acquéreur de l’éventuelle TVA à régulariser, puisqu’il s’agissait de la cession d’un actif professionnel, comme cela a d’ailleurs été fait dans l’acte de cession de l’officine ; que si tel n’était pas son souhait, la TVA devait lui incomber personnellement ; qu’il n’est pas démontré que l’expert-comptable ait participé aux travaux précédant la signature de l’acte de cession de l’immeuble professionnel, le 1er décembre 2008 et que les parties ne présentent aucun courrier ou courriel entre le notaire et l’expert-comptable ; que l’expert-comptable n’est tenu que d’une obligation de moyens, qu’il est un tiers à l’entreprise, et ne peut accomplir ses travaux que pour autant qu’il reçoive de ses clients tous les documents et toutes les informations nécessaires au bon accomplissement de sa mission ; que même s’il peut être reproché à l’expert-comptable une erreur d’appréciation dans la qualification des travaux, cette erreur est postérieure à la signature de l’acte et ne peut donc justifier l’impossibilité de refacturer la TVA à l’acquéreur ; qu’aucun préjudice ne peut découler du paiement auquel un contribuable est légalement tenu ; que les intérêts de retard ne font que compenser l’avantage de trésorerie dont a bénéficié le contribuable au détriment du trésor public en différent les impôts dont il était normalement redevable ; qu’en conséquence, qu’il ne peut être mis à la charge de l’expert-comptable le redressement de TVA et les intérêts de retard qui s’y rattachent ;

1/ ALORS QUE l’expert-comptable, à qui incombe la charge de la preuve de l’exécution de son devoir de conseil, est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, l’exposant faisait valoir que la société Solidec était depuis 2003 au moins chargée d’établir ses déclarations fiscales (pièces d’appel n° 24), et il était acquis qu’une lettre de mission avait été signée le 14 décembre 2005 ; qu’il incombait donc à la société Solidec de rapporter la preuve qu’elle avait conseillé M. X… sur les options s’offrant à lui quant à la qualification fiscale des travaux réalisés en 2004 (agencement ou construction) et des conséquences de cette qualification quant au régime de TVA applicable notamment en cas de cession de l’immeuble concerné ; qu’en écartant toute responsabilité de la société Solidec au prétexte que M. X… n’apportait pas la preuve qu’elle avait été consultée à l’occasion de la cession immobilière, réalisée en décembre 2008, dans le cadre de laquelle la TVA aurait pu être refacturée au cessionnaire si les travaux avaient été correctement qualifiés, quand il appartenait au contraire à la société Solidec d’établir qu’elle avait fourmi à son client toutes les informations, relatives notamment au régime fiscal applicable aux travaux, lui permettant, le moment venu, de faire un choix éclairé à l’occasion de la cession de ses biens, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2/ ALORS en tout état de cause QUE l’expert-comptable est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu’en l’espèce, comme le faisait valoir M. X… (écritures d’appel, p. 5 § 6 et p. 6 pénult. §), preuves à l’appui (prod. 24 à 26 à hauteur d’appel), la société Solidec, son expert-comptable avec qui il était lié par une lettre de mission datée du 14 septembre 2005, était parfaitement informée de ses projets immobiliers et des actes conclus fin 2008, et aurait dû correctement le conseiller sur la qualification des travaux réalisés antérieurement ainsi que sur leur implication fiscale en cas de cession ; qu’en écartant la responsabilité de l’expert-comptable, après avoir pourtant constaté que la société Solidec avait reconnu s’être méprise sur la nature des travaux effectués par l’exposant, au prétexte que l’expert-comptable n’avait nullement été contacté à l’occasion de la cession, la cour d’appel, qui a statué par un motif impropre à écarter sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil à l’égard du client, a violé l’article 1147 du code civil ;

3/ ALORS QU’en outre, en s’abstenant de vérifier si ce n’est pas animée par la croyance erronée que les travaux litigieux s’analysaient en de simples travaux d’agencement soumis à une régularisation de cinq ans-ce qui excluait, de l’aveu même de la société Solidec (écritures d’appel, p. 9 § 7), toute régularisation-et non en des travaux immobiliers au sens fiscal soumis à une régularisation de vingt ans, que la société Solidec n’avait pas jugé utile d’informer M. X…, avant la cession de l’officine, de la nature des travaux litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

4/ ALORS QU’en écartant la responsabilité de la société Solidec au prétexte que l’impossibilité de procéder une déclaration rectificative et de tenter une refacturation auprès du cessionnaire résultait de l’absence de disposition en ce sens dans l’acte notarié, antérieur à l’erreur de la société Solidec, quand l’exposant faisant valoir que correctement conseillé par son expert-comptable sur la nature des travaux antérieurement à la cession, il aurait pu refacturer la TVA au cessionnaire dans l’acte de cession, la cour d’appel a statué par un motif impropre à écarter tout lien de causalité entre les manquements de l’expert-comptable à son devoir de conseil, dûment caractérisés, et le préjudice subi par M. X…, en violation de l’article 1147 du code civil ;

5/ ALORS QU’en affirmant qu’un impôt ne peut constituer un préjudice susceptible de réparation, quand l’exposant faisait valoir que constitue un préjudice réparable qui trouve sa source dans le manquement de l’expert-comptable à son devoir de conseil, l’impossibilité pour le cédant d’une officine de pharmacie de pouvoir refacturer auprès du cessionnaire la TVA due à l’administration fiscale, permettant de réaliser une opération neutre pour lui, la cour d’appel, qui avait pourtant constaté que M. X… était redevable d’une somme de 26 659 euros au titre du redressement de TVA, a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

6/ ALORS en outre QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les termes du litige ; qu’en l’espèce, l’exposant faisait valoir que la société Solidec était son expert-comptable de longue date, et apportait la preuve (prod. 24 à hauteur d’appel) que la société Solidec était déjà contractuellement intervenue pour son compte aux fins notamment de procéder à ses déclarations fiscales avant l’année 2005 ; qu’en jugeant cependant, pour écarter toute responsabilité de l’expert-comptable relative aux divers travaux immobiliers tous antérieurs à la lettre de mission du 14 septembre 2005, qu’il n’était pas prétendu que les parties aient été en relation contractuelle avant 2005, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

7/ ALORS subsidiairement QU’en refusant de retenir la responsabilité de l’expert-comptable au titre des pénalités de retard consécutives à l’erreur, admise par lui, qu’il avait commise dans la déclaration de TVA, au prétexte que les intérêts de retard ne font que compenser l’avantage de trésorerie dont a bénéficié le contribuable au détriment du trésor public en différent les impôts dont il était normalement redevable, la cour d’appel, qui a statué par un motif qui n’était pas de nature à exclure l’obligation pour l’expert-comptable d’indemniser les conséquences dommageables de sa faute contractuelle, a violé l’article 1147 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. X… de sa demande en paiement des sommes au titre de l’impôt sur le revenu et d’AVOIR condamné M. X… aux dépens et à payer une somme par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE les personnes physiques, exploitants individuels, relèvent de plein droit de l’impôt sur le revenu (bénéfice industriel et commercial, articles 8 et 34 du code général des impôts) ; que le bénéfice taxable est calculé d’après les résultats de l’exercice comptable ; qu’en matière de plus-value, le prix de cession et le prix d’acquisition sont ceux mentionnés dans les actes, le prix de cession à retenir étant le prix réel indiqué et le prix d’acquisition étant le prix effectivement acquitté par le cédant (articles 150VA et VB du code général des impôts) ; que pour les exploitants individuels relevant du régime réel, normal ou simplifié, la différence entre l’actif commercial et le patrimoine privé se fait à partir des éléments portés à l’actif de l’entreprise ; que les conséquences de cette distinction concernent notamment la cession des biens : s’il s’agit d’éléments de l’actif, il est fait application du régime des plus-values professionnelles, tandis que la cession des biens privés donne ouverture, s’il y a lieu, au régime des plus-values correspondantes ; qu’en l’espèce, pour procéder au redressement en cause, l’administration fiscale a retenu que :- M. X… avait acquis l’ensemble immobilier en trois parties, en 1987, 1990 et 2001, avant de réaliser des travaux en 1990 et 2004,- par un règlement de copropriété du 1er décembre 2008 l’ensemble a été divisé en deux lots (le sous-sol et le rez-de-chaussée à usage commercial d’une part, la partie habitation de l’autre), vendus respectivement le 1er et le 19 décembre 2008,- sur la déclaration 2048 et l’imprimé 2059 A de la liasse fiscale, la moins-value a été calculée de telle sorte qu’elle s’élevait à 48 648 euros,- les parties achetées en 1987 et 1990 ont été portées au bilan pour leur totalité (habitation et commerce), la partie achetée en 2001 n’a été portée au bilan que pour la partie commerciale selon un prorata de surface,- concernant le prix d’achat du 91, la répartition entre partie commerciale et partie habitation a été faite au prorata de surface, mais, pour les 408 m2, il n’a pas été possible d’obtenir le détail ou la méthode de calcul : cette surface ne peut donc être retenue,- diverses surfaces ont fait l’objet de déclarations souscrites par les propriétaires précédents auprès du centre des impôts fonciers, mentionnant un total de 116 m2 pour la partie commerciale et 183 m2 au total pour la partie habitation,- suite à ses acquisitions, M. X… n’en a pas établi de nouvelles, ce qui donne à penser que la consistance des habitations n’a pas été modifiée et que les surfaces autrefois déclarées correspondent bien à la situation existante à la date de l’acte,- la répartition du prix d’achat entre les deux parties donne donc pour la partie commerciale 51750 euros [133 392 x 116/ (116 + 183)],- le critère essentiel de distinction entre actif professionnel et patrimoine privé est celui de l’inscription au bilan : l’exploitant dispose d’une liberté de choix pour répartir ses biens entre son actif commercial et son patrimoine privé ; il prend à cet égard une décision de gestion qui lui est opposable ;- au cas présent, M. X… a choisi de porter à son bilan la totalité de l’achat des parties situées au 93 et 95, c’est à dire parties habitation et commerce,- contrairement à ce qui a été fait, il y a lieu de tenir compte lors de la cession de la partie habitation correspondante,- le calcul de la plus-value donne donc une somme de 72 177 euros (valeur d’achat = montant global des parties achetées en 1987, 1990 et 2001, ajouté au coût des travaux, déduction faite des amortissements, valeur déduite de l’addition des deux prix de vente, 180 000 euros pour la part commerciale et 139 225 euros pour la part habitable au bilan),- le revenu imposable passant ainsi de 219 060 à 339 885 euros au titre de 2008 ; que sur les fautes reprochées par M. X… à l’expert-comptable, il lui fait grief d’avoir commis deux erreurs, d’abord par l’inscription au bilan de la partie habitation de l’immeuble cédé, ensuite, par l’absence de prise en compte de cette première erreur pour calculer la plus-value, soutient que sans cette faute l’administration ne lui aurait pas réclamé un complément d’impôt pour 48 330 euros, ni des intérêts de retard ni des majorations de retard ; qu’il lui reproche aussi un manquement à son devoir de conseil, comme ne l’ayant pas informé du choix possible ni de la possibilité de solliciter du notaire une déclaration 2048 rectificative ; que la société Solidec fait essentiellement valoir qu’elle s’est basée sur le travail du notaire et les annexes à l’acte de cession-lesquelles effectuaient la ventilation partie professionnelle-partie habitation-, pour établir ses écritures et bilan en conformité avec les déclarations du notaire, qu’elle n’avait pas d’autre document à sa disposition pour remplir sa mission ; que la cour retient que la lettre de mission versée aux débats date du 14 septembre 2005 et qu’il n’est pas prétendu que les parties aient été en relations contractuelles antérieurement ; que la Solidec ne saurait donc engager sa responsabilité pour d’éventuelles fautes commises antérieurement par un autre expert-comptable ; que les éventuelles erreurs ou les choix de gestion réalisés à l’occasion des acquisitions successives ou des divers travaux immobiliers, tous antérieurs à 2005, lui sont étrangers ; qu’au fil des années, entre le premier achat (1987) et la dernière opération de travaux, la configuration des lieux a plusieurs fois évolué, ainsi que la superficie totale ou encore celle affectée à l’usage commercial comme celle réservée à la partie habitation ; que les actes de cession-et les documents annexes-ont été établis en 2008 par le notaire sans qu’il soit prouvé-ni même prétendu-que la Solidec ait été consultée à cette occasion ; que d’ailleurs cette prestation ne figure pas dans celles prévues par la lettre de mission ; qu’il résulte des pièces fournies par les parties que, lors de l’établissement du bilan en cause, la Solidec s’est basée sur les documents fournis par son client ; qu’il s’agissait des actes de cession des lots  » professionnel  » et  » habitation  » ainsi que de la déclaration de plus-value 2048 et des  » annexes  » [intitulées  » plus-value vente X… à SCI. C. L. A. S (lot volume 1)  » et  » plus-value vente X… à Alliotte et Luszcz (lot volume 2) « , afférentes au calcul du prix de cession et du prix d’acquisition des deux lots] ; que les différentes sommes figurant sur ces évaluations et calculs se retrouvent dans le corps de cette déclaration 2048 ; que la superficie de 408 m2, remise en cause par l’administration fiscale, y est mentionnée par le notaire comme étant celle du n° 91  » à l’origine  » ; qu’il ressort des pièces comptables fournies que la Solidec a pris en compte ces justificatifs, émanant du notaire et fournis par son client, pour procéder à des écritures et ajustements comptables cohérents tant avec les bilans antérieurs qu’avec les déclarations notariées ; que ne relevait pas de sa mission la vérification sur place des surfaces utilisées ni celle des surfaces antérieures lors des acquisitions et transformations successives, dès lors qu’il avait en sa possession les documents émanant du notaire ayant réalisé les cessions en 2008 ; que pour  » attirer l’attention de M. X… sur l’éventuelle erreur du notaire  » encore eût-il fallu que la Solidec ait été en mesure de déterminer-au moment de l’établissement de ce bilan-l’existence de cette éventuelle erreur, ce qui ne pouvait être le cas faute pour son client de lui produire tout justificatif en sens contraire de nature à alerter l’expert-comptable sur les évaluations faites par le notaire ; que, pour procéder à son redressement, l’administration fiscale a aussi tenu compte du fait que suite à son acquisition M. X… n’avait pas  » jugé utile d’établir de nouvelles déclarations auprès du centre des impôts fonciers, ce qui donnait à penser que la consistance des habitations n’avait pas été modifiée  » ; qu’ainsi, les fautes reprochées par l’appelant à la société Solidec n’étant pas établies, il sera débouté de ses demandes en paiement au titre de  » du redressement de l’impôt sur le revenu  » et le jugement sera réformé de ce chef.

1/ ALORS QUE l’expert-comptable, à qui incombe la charge de la preuve de l’exécution de son devoir de conseil, est tenu d’informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l’éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations de l’arrêt attaqué que l’expert-comptable Solidec avait été chargé d’établir le bilan pour 2008, ce qui impliquait notamment d’y mentionner la cession des biens immobiliers professionnels, soumis à l’impôt sur la plus-value à l’exclusion des biens à usage d’habitation ; qu’il incombait dès lors à l’expert-comptable de rapporter la preuve qu’il avait informé son client de l’importance, pour le calcul de la plus-value, du départage entre les locaux à usage professionnel et d’habitation, et des conséquences possibles de toute erreur ou approximation ; qu’en écartant cependant toute responsabilité de l’expert-comptable du fait d’un manquement à son obligation de conseil aux prétextes qu’il avait établi le bilan sur la base des documents fournis par son client et qu’il n’aurait pas eu de raison de douter de l’exactitude des évaluations du notaire si bien que sa faute n’aurait pas été établie, la cour d’appel a violé les articles 1315 et 1147 du code civil ;

2/ ALORS en outre QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les termes du litige ; qu’en l’espèce, l’exposant faisait valoir que la société Solidec était son expert-comptable de longue date, et apportait la preuve (prod. 24 à hauteur d’appel) que la société Solidec était déjà contractuellement intervenue pour son compte aux fins notamment de procéder à ses déclarations fiscales avant l’année 2005 ; qu’en jugeant cependant, pour écarter toute responsabilité de l’expert-comptable relative aux acquisitions ou divers travaux immobiliers tous antérieurs à la lettre de mission du 14 septembre 2005, qu’il n’était pas prétendu que les parties aient été en relation contractuelle avant 2005, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond ne peuvent statuer par affirmation péremptoire et doivent analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que M. X… n’avait pas produit à son expert-comptable de justificatif de nature à l’alerter sur les évaluations faites par le notaire ; qu’elle a cependant relevé par ailleurs qu’il résulte des pièces fournies par les parties que lors de l’établissement du bilan en cause, la Solidec s’est basée notamment sur les actes de cession des lots  » professionnel  » et  » habitation  » ainsi que de la déclaration de plus-value 2048, or il ressortait de l’acte de cession du lot « habitation » qu’il s’agissait d’« un immeuble à usage de commerce et d’habitation situé à Denain (59220), …», ce qui était de nature à faire douter de l’opportunité de mentionner comme bien professionnel l’intégralité des immeubles situés …; qu’il en résulte qu’en statuant comme elle l’a fait sans analyser notamment de l’acte de cession du lot habitation susvisé, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4/ ALORS QUE manque à son devoir général de conseil, qui comprend l’obligation de se renseigner, l’expert-comptable qui inscrit au bilan de son client une opération immobilière sans l’interroger au préalable sur l’usage fait des immeubles vendus, quand il ne peut ignorer qu’une telle inscription au bilan a des conséquences fiscales sur la plus-value imposable et qu’il importe d’en exclure le patrimoine privé ; qu’en écartant toute faute de l’expert-comptable, sans rechercher s’il s’était seulement renseigné de l’usage fait par M. X…, son client, des immeubles vendus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

5/ ALORS QUE la faculté pour la victime d’exercer un recours contre un tiers fautif ne fait pas obstacle à la caractérisation d’une faute commise par un autre que ce tiers et à l’engagement de sa responsabilité ; qu’en l’espèce, pour écarter toute faute de l’expert-comptable, la cour d’appel a cru pouvoir relever la société Solidec avait pris en compte les justificatifs, émanant du notaire et fournis par son client, pour procéder à des écritures et ajustements comptables cohérents tant avec les bilans antérieurs qu’avec les déclarations notariées ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu l’article 1147 du code civil ;

6/ ALORS QUE la faute de la victime n’exonère entièrement le responsable que pour autant qu’elle revêt les caractères force majeure ; qu’en affirmant que l’administration fiscale avait aussi tenu compte du fait qu’à la suite de son acquisition M. X… n’avait pas jugé utile d’établir de nouvelles déclarations auprès du centre des impôts fonciers, ce qui donnait à penser que la consistance des habitations n’avait pas été modifiée, sans expliquer en quoi un tel évènement constituait une faute de la victime de nature à exonérer totalement la société Solidec, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regarde de l’article 1147 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00131