Litige d'honoraires et conciliation devant l'Ordre des experts-comptables

Décision du tribunal : Cour de cassation n° 21-18.211

Date : 14/09/2022

NOTRE ANALYSE

Dans un litige d’honoraires dus à un cabinet d’expertise-comptable, un tribunal de commerce avait jugé irrecevables les demandes de ce professionnel, au motif que celui-ci n’avait pas sollicité l’Ordre des experts-comptables, dans le cadre d’une procédure de conciliation ou d’arbitrage, préalablement à son action en justice. La cour de cassation casse et annule cet arrêt au motif que ladite procédure n'est que facultative et qu’en conséquence, rien ne peut faire obstacle au droit d’agir en justice sans être soumis à ce préalable. L’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l'exercice de l'activité d'expertise comptable énonce clairement : « En cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d'exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, les personnes ... s'efforcent de faire accepter la conciliation ou l'arbitrage du président du conseil régional de l'ordre avant toute action en justice ... ». Le lecteur appréciera la modicité des enjeux de ce contentieux.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

La société In Extenso Cogex, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-18.211 contre le jugement rendu le 16 avril 2021 par le tribunal de commerce de Cherbourg, dans le litige l’opposant à la société Caliquo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Cherbourg, 16 avril 2021), rendu en dernier ressort, le 18 décembre 2020, la société Caliquo a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 4 décembre 2020 et la condamnant à verser la somme de 1 356 euros à la société d’expertise comptable In Extenso Cogex au titre de ses honoraires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société In Extenso Cogex fait grief au jugement de déclarer irrecevables ses demandes en paiement, alors « que, conformément à l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable : « en cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d’exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, les personnes mentionnées à l’article 141 s’efforcent de faire accepter la conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre avant toute action en justice » ; que ce texte, qui n’ouvre qu’une faculté et ne déroge pas à la compétence de la juridiction de droit commun pour connaître d’une demande en recouvrement d’honoraires formée par un expert comptable à l’encontre de son client, ne peut faire obstacle au droit qu’a toute personne d’agir en justice ; qu’en jugeant toutefois irrecevables, sur ce fondement, les demandes de la société In Extenso Cogex, en ce qu’elle ne justifiait pas avoir proposé la résolution amiable du litige par une conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre des experts comptables avant toute action en justice, le tribunal a violé l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable :

3. Selon ce texte, en cas de contestation par le client des conditions d’exercice de leur mission ou de différend sur les honoraires, les experts-comptables et sociétés d’expertise comptable s’efforcent de faire accepter la conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre avant toute action en justice.

4. Il s’en déduit que ce texte, qui n’ouvre qu’une faculté, ne peut faire obstacle au droit de toute personne d’agir en justice.

5. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société In Extenso Cogex, le jugement retient que celle-ci ne justifie pas avoir proposé à la société Caliquo la résolution amiable du litige par une conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre des experts comptables avant toute action en justice et que le non-respect d’une obligation préalable de conciliation est constitutif d’une fin de non-recevoir dans les conditions de l’article 122 du code de procédure civile.

6. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 avril 2021, entre les parties, par le tribunal de commerce de Cherbourg ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal de commerce de Coutances ;

Condamne la société Caliquo aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le président

Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société In Extenso Cogex

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société In Extenso Cogex fait grief au jugement attaqué D’AVOIR déclaré irrecevables les demandes de la société In Extenso Cogex, de l’Avoir déboutée de ses demandes fins et conclusions et d’Avoir, en conséquence, condamné la société In Extenso Cogex aux entiers dépens de l’instance en ce compris les dépens de la procédure d’injonction de payer de d’opposition à injonction de payer, liquidés à 104,86 euros,

ALORS QUE conformément à l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable : « en cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d’exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, les personnes mentionnées à l’article 141 s’efforcent de faire accepter la conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre avant toute action en justice » ; que ce texte, qui n’ouvre qu’une faculté et ne déroge pas à la compétence de la juridiction de droit commun pour connaître d’une demande en recouvrement d’honoraires formée par un expert-comptable à l’encontre de son client, ne peut faire obstacle au droit qu’a toute personne d’agir en justice ; qu’en jugeant toutefois irrecevables, sur ce fondement, les demandes de la société In Extenso Cogex, en ce qu’elle ne justifiait pas avoir proposé la résolution amiable du litige par une conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’Ordre des experts comptables avant toute action en justice, le tribunal a violé l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable.

SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)

La société In Extenso Cogex fait grief au jugement attaqué De l’AVOIR déboutée de ses demandes fins et conclusions, et d’Avoir, en conséquence, condamné la société In Extenso Cogex à payer les entiers dépens de l’instance en ce compris les dépens de la procédure d’injonction de payer de d’opposition à injonction de payer, liquidés à 104,86 euros,

ALORS QU’en déboutant la société In Extenso Cogex de ses demandes, fins et conclusions, après avoir déclaré ses demandes irrecevables, le tribunal, qui a excédé ses pouvoirs, a violé l’article 122 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre ECLI:FR:CCASS:2022:C100638

 

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

La société In Extenso Cogex, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-18.211 contre le jugement rendu le 16 avril 2021 par le tribunal de commerce de Cherbourg, dans le litige l’opposant à la société Caliquo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Cherbourg, 16 avril 2021), rendu en dernier ressort, le 18 décembre 2020, la société Caliquo a formé opposition à l’ordonnance d’injonction de payer rendue le 4 décembre 2020 et la condamnant à verser la somme de 1 356 euros à la société d’expertise comptable In Extenso Cogex au titre de ses honoraires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société In Extenso Cogex fait grief au jugement de déclarer irrecevables ses demandes en paiement, alors « que, conformément à l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable : « en cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d’exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, les personnes mentionnées à l’article 141 s’efforcent de faire accepter la conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre avant toute action en justice » ; que ce texte, qui n’ouvre qu’une faculté et ne déroge pas à la compétence de la juridiction de droit commun pour connaître d’une demande en recouvrement d’honoraires formée par un expert comptable à l’encontre de son client, ne peut faire obstacle au droit qu’a toute personne d’agir en justice ; qu’en jugeant toutefois irrecevables, sur ce fondement, les demandes de la société In Extenso Cogex, en ce qu’elle ne justifiait pas avoir proposé la résolution amiable du litige par une conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre des experts comptables avant toute action en justice, le tribunal a violé l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable. »

Réponse de la Cour

Vu l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable :

3. Selon ce texte, en cas de contestation par le client des conditions d’exercice de leur mission ou de différend sur les honoraires, les experts-comptables et sociétés d’expertise comptable s’efforcent de faire accepter la conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre avant toute action en justice.

4. Il s’en déduit que ce texte, qui n’ouvre qu’une faculté, ne peut faire obstacle au droit de toute personne d’agir en justice.

5. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société In Extenso Cogex, le jugement retient que celle-ci ne justifie pas avoir proposé à la société Caliquo la résolution amiable du litige par une conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre des experts comptables avant toute action en justice et que le non-respect d’une obligation préalable de conciliation est constitutif d’une fin de non-recevoir dans les conditions de l’article 122 du code de procédure civile.

6. En statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 avril 2021, entre les parties, par le tribunal de commerce de Cherbourg ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal de commerce de Coutances ;

Condamne la société Caliquo aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le président

Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société In Extenso Cogex

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société In Extenso Cogex fait grief au jugement attaqué D’AVOIR déclaré irrecevables les demandes de la société In Extenso Cogex, de l’Avoir déboutée de ses demandes fins et conclusions et d’Avoir, en conséquence, condamné la société In Extenso Cogex aux entiers dépens de l’instance en ce compris les dépens de la procédure d’injonction de payer de d’opposition à injonction de payer, liquidés à 104,86 euros,

ALORS QUE conformément à l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable : « en cas de contestation par le client ou adhérent des conditions d’exercice de la mission ou de différend sur les honoraires, les personnes mentionnées à l’article 141 s’efforcent de faire accepter la conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’ordre avant toute action en justice » ; que ce texte, qui n’ouvre qu’une faculté et ne déroge pas à la compétence de la juridiction de droit commun pour connaître d’une demande en recouvrement d’honoraires formée par un expert-comptable à l’encontre de son client, ne peut faire obstacle au droit qu’a toute personne d’agir en justice ; qu’en jugeant toutefois irrecevables, sur ce fondement, les demandes de la société In Extenso Cogex, en ce qu’elle ne justifiait pas avoir proposé la résolution amiable du litige par une conciliation ou l’arbitrage du président du conseil régional de l’Ordre des experts comptables avant toute action en justice, le tribunal a violé l’article 159 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable.

SECOND MOYEN DE CASSATION (Subsidiaire)

La société In Extenso Cogex fait grief au jugement attaqué De l’AVOIR déboutée de ses demandes fins et conclusions, et d’Avoir, en conséquence, condamné la société In Extenso Cogex à payer les entiers dépens de l’instance en ce compris les dépens de la procédure d’injonction de payer de d’opposition à injonction de payer, liquidés à 104,86 euros,

ALORS QU’en déboutant la société In Extenso Cogex de ses demandes, fins et conclusions, après avoir déclaré ses demandes irrecevables, le tribunal, qui a excédé ses pouvoirs, a violé l’article 122 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre ECLI:FR:CCASS:2022:C100638